Sophie Lavaud a passé cent sept nuits sous tente à plus de 5000 mètres. Dans le froid,
le vent, la neige, la glace. À subir l’effet de l’oxygène rare sur l’organisme : maux de tête,
vomissements, manque d’appétit, affaiblissement. « J’endure bien, mais j’apprécie de
retrouver le confort de la vie en Suisse », dit l’alpiniste. Rentrée du Népal, elle dort et mange
bien. Elle ne boude pas le plaisir de se maquiller ou de porter comme avant des talons hauts.
Le guide et réalisateur de films de montagne François Damilano a été le témoin de ses
aventures sur deux tournages qu’il lui a consacrés, d’abord à l’Everest puis au K2.
« Aux camps de base, Sophie est à l’aise avec tout le monde. C’est une femme d’une grande
maîtrise émotionnelle. Cela participe de son efficacité en expédition. Elle pense uniquement
au but de l’expédition et rien ne peut l’en détourner. »
Aussi loin que remontent ses souvenirs d’enfance, situés notamment à Lausanne,
où elle a grandi, Sophie Lavaud a toujours aimé marcher en montagne. Le chalet familial près
de Chamonix, dans les Alpes françaises, s’y prêtait. Son père, décédé tôt, a été chasseur alpin
dans l’armée française. Sa mère, trekkeuse confirmée, lui a donné le goût de l’effort et des
voyages lointains. Sophie Lavaud s’est offert sa première ascension du « 8000 » en Himalaya
en 2012 avec ses propres économies, comme d’autres paient un guide pour les emmener au
mont Blanc. Les circonstances de la vie lui en donnaient l’opportunité. L’entreprise qu’elle avait
créée avec son frère avait vu son modèle économique balayé par la crise financière. Sans
travail, sans contrainte privée, elle avait beaucoup de temps et de liberté.
En 2014, elle pose le pied sur le toit du monde, c’est le déclic pour aller jusqu’au bout
de son idée. Quand cette femme se met en tête de gravir les quatorze « 8000 », elle réussit.
Quand Sophie n’est pas en expédition, elle fait tout pour trouver les fonds qui financent ses
projets. Elle assume ses obligations envers ses sponsors : conférences, relations publiques.
Son passé dans le marketing l’y aide. Mais ne lui demandez pas de parler de la mort sans
cesse ressentie pendant ses ascensions en Himalaya, elle met un couvercle sur le sujet.
« Je vis simplement ma passion. Tant que j’en ai la force, les moyens financiers et du plaisir,
je le ferai à tout prix ». Avec onze « 8000 » gravis, elle est l’une des plus grandes himalayistes
du monde. Ce n’est pas banal. Si c’était facile, d’autres l’auraient fait avant elle, non ?