Journaliste : À la surprise générale, le jeune couple français, Guillaume et Gabriella, est
devenu champion du monde de danse sur glace à Shanghai. Guillaume, votre
numéro de quatre minutes, pour être absolument parfait, a nécessité un an de
préparation, n’est-ce pas ?
Guillaume : Oui, c’est vrai. Nous nous sommes entraînés huit heures par jour. Nous venons
tous les deux de Clermont-Ferrand. La maman de Gabriella, Mme Papadakis,
était notre premier professeur. Nous dansons ensemble depuis toujours,
c’est-à-dire depuis que nous avons 9 ans, mais Gabriella est plus ancienne dans
la discipline. Elle patine depuis l’âge de 4 ans. Cela signifiait être tous les matins
à 6 heures sur la glace, pour deux heures d’entraînement avant d’aller en classe.
Très sportifs eux aussi, mes parents avaient bien essayé, pour moi, le trampoline
et le judo. Rien ne me plaisait. En revanche, à 7 ans, quand j’ai mis mes patins,
la magie a commencé. À force de nous regarder évoluer, Mme Papadakis
a décidé de nous faire danser ensemble.
Journaliste : Quand on vous voit danser dans une harmonie parfaite, si complices,
si complémentaires, on ne peut pas s’empêcher de penser que vous formez
un vrai couple et que vous devez être totalement inséparables.
Guillaume : Inséparables ? Pas vraiment ! Nous nous connaissons depuis si longtemps que
nous nous considérons comme frère et sœur. Nous nous entendons très bien
dans le travail, mais nous ne nous confions jamais l’un à l’autre. Je crois
nécessaire à notre équilibre de préserver le peu de vie privée qui nous reste.
Nous n’allons pratiquement jamais dîner ensemble après l’entraînement.
Nous dansons l’un avec l’autre six heures par jour, qu’aurions-nous à nous dire
de plus ? Moi, je suis passionné de mode et je pense même devenir styliste.
Gabriella se voit plutôt comédienne et elle prend déjà des cours de théâtre.
Mais ce sera dans une autre vie... dans très longtemps...
Journaliste : Pourtant, au mental, vous vous ressemblez. Tous les deux très calmes, vous êtes
peu bavards, spécialistes dans l’art de la gestion du stress. Comme tous
les champions, vous trouvez votre bonheur dans l’effort et le dépassement
de soi.
Guillaume : Pour réussir dans cette discipline, il faut être très travailleur. J’aime pousser mon
corps chaque jour dans ses limites et je suis capable de passer toute une nuit
sur la glace pour refaire un mouvement dont je ne suis pas totalement satisfait.
Gabriella est un peu moins rigoureuse que moi. Moi, je suis aussi plus colérique.
Elle, elle relativise beaucoup et elle est d’un optimisme qui pourrait même laisser
croire qu’elle se fiche de tout !
Journaliste : Actuellement, vous êtes de passage en France pour une tournée mondiale.
Le fait de devenir champions du monde a changé votre vie ?
Guillaume : Nous ne comprenons pas pourquoi tant de gens s’intéressent soudainement
à nous. Après cette victoire, nous n’en reprendrons l’entraînement qu’avec plus
de passion, travaillant encore et encore chaque mouvement, chaque détail,
chaque regard. Pour faire mieux que danser la musique : la vivre de tout notre
corps et de toute notre âme. Sans doute rêverons-nous encore longtemps
de notre prestation exceptionnelle à Shanghai. De ce moment de grâce où,
aux dernières notes du 23 e concerto de Mozart, nous aurions aimé arrêter
le temps et ne pas quitter la glace...
d’après Caroline Rochmann, Paris Match, le 19 avril 2015